"Il ferait volontiers de la terre un débris, et dans un bâillement avalerait le monde ; c'est l'Ennui !". Les exclamations désespérées de Baudelaire résonnent comme de lointains souvenirs scolaires mais elles ne semblent plus trop avoir de lien avec notre réalité quotidienne. En effet qui s'ennuie encore? L’ennui aurait-il été avalé par notre 21ème siècle stressé et surchargé? Ou avons-nous su enfin trouver les parades pour l'éviter? Et surtout, devons-nous vraiment nous réjouir de son absence?
Flâner, rêvasser...oui! À la rigueur on veut bien accepter de s'y laisser prendre, surtout en vacances! Ralentir le pas, ne pas surcharger sa journée; on est tout à fait d'accord! Les vacances c'est fait pour ça! Après le bal incessant de nos responsabilités professionnelles et familiales, de nos engagements qu'ils soient politiques, communautaires ou citoyens sans oublier notre course à l'épanouissement... Ouf! On s'endort en toute fin de soirée sans n'avoir pu ralentir. Et, au petit matin c'est reparti sur les chapeaux de roues. Alors le ralentissement des vacances est un réel plaisir. Mais pousser le calme jusqu'à l'ennui, ça c'est autre chose! S'ennuyer en vacances, quelle horreur! Ce serait les gâcher! Pour une fois que l'on peut faire tout ce qu'on n'a pas eu le temps de faire dans l'année! ...Et la course aux activités continue!
Où sont donc passés ces moments de pur ennui? Devons-nous cette victoire, si c'en est une, à notre siècle en mouvement perpétuel? Ou sommes nous devenus les maîtres pour éviter toutes occasions de s'ennuyer? Je pencherai pour dire qu'il s'agit plutôt d'un joli mélange de ces deux facteurs. Nous avons toujours, et ce grâce aux progrès technologique de notre siècle, sous notre nez, à portée de main ou dans la poche quelque outil nous permettant d'esquiver cet ennui inopportun... On allume la télévision, on branche l'ordinateur, on surfe sur internet. Et maintenant, même en faisant la queue au supermarché on peut éviter l'ennui en dégainant notre smartphone; et voici quelques minutes passées à resauter sur Facebook ou twitter, si ce n'est pas à végéter derrière ces jeux multiples et variés, mangeurs d'ennui... mais pourquoi donc? Baudelaire nous a-t-il à ce point dégoûtés de cet ennui? Car décidément il semblerait que nous n'aimions pas ces moments, pire que cela même, qu'ils nous effraient, nous angoissent... trouver quelque chose à faire, vite, surtout ne pas se retrouver les bras ballants!
L'ennui semblerait finalement ne pas être ce monstre avaleur de monde. En effet de nombreuses recherches montrent qu'il serait même plutôt bénéfique à notre épanouissement. Tout d'abord, il serait générateur de créativité. Lors d'une expérience, un groupe réussit beaucoup mieux une tâche créative juste après un exercice ennuyant (recopier des numéros de téléphones) en comparaison de celui qui se lance directement à la tâche. On peut donc en conclure que l'ennui ou une situation ennuyante nous permettrait de laisser notre esprit vagabonder et ainsi réveiller notre imagination. En poussant la réflexion plus loin, l'ennui nous permettrait donc de repenser notre quotidien, de faire en quelque sorte un bilan intuitif de notre réalité et d'utiliser ces données pour créer autre chose: de nouveaux projets, de nouvelles idées, de nouvelles envies... Malheureusement, ne vous imaginez pas que cela fonctionne comme une solution à appliquer. Impossible de générer cet état d'ennui dans l'espoir unique de jouir de ces résultats ... ce serait trop facile! Non, c'est ce vide, c'est cet ennui non désiré, et finalement pas toujours très agréable à vivre, qui fait naître cet élan créateur...
Mais ce n'est pas tout! Non seulement l'ennui stimule la créativité mais il est aussi générateur de sens. Wijnand van Tilburg, docteur en psychologie, en conclusion de ses recherches sur l'ennui, affirme qu'une situation ressentie comme ennuyante est une situation qui manque de signification et de valeur pour celui qui la vit. Il lui faut donc reconstruire du sens et trouver une action ou une situation qui lui permette de le faire. Or, développer des relations sociales, s'ouvrir à son environnement extérieur sont des actions génératrices de sens et de signification. Et en effet, lors de ses recherches, ce psychologue au nom imprononçable a montré que l'ennui nous pousserait vers les autres plutôt que de nous enfermer sur nous-mêmes comme on pourrait le penser. Et pas seulement pour le plaisir de nouvelles rencontres mais aussi dans un but de faire une différence en nous engageant dans des activités d'utilités publiques et altruistes!
Et puis, finalement, lâcher un peu nos habitudes de dépendance à nos outils super sophistiqués et notre bal d'activités de divertissement ce n'est peut-être pas si négatif. Nous retrouverions un tant soit peu d'indépendance face à cette course effrénée au dernier gadget et à cette pression mercantile qui nous fait croire que l'on serait enfin heureux avec ce produit "so in". Oui nous vivons au 21ème siècle mais nous n'avons pas nécessairement besoin d'en être esclaves. L'ennui, c'est une mise à distance. La parade est de s'éloigner de cette course incessante, se recentrer sur nous-mêmes, nos proches, nos semblables et vivre l'instant T dans toute son immanence pour ce qu'il est et non ce que l'on en fait. Retour à l'être plutôt qu'au faire!
Alors, si vous avez un programme chargé pendant ces prochaines vacances, oserais-je vous suggérer de laisser une toute petite place à l'ennui....? De profiter de ces vacances pas seulement en les remplissant de multiples activités culturelles ou divertissantes mais aussi d'instant de paix, de calme, de repos... d'ennui.
Bonnes vacances ennuyantes... et PERFORM se réjouit de vous retrouver à la rentrée, sereins et dispos, la tête pleines de nouvelles idées et de nouveaux projets à réaliser !
Florence Fleurimont, assistante chez PERFORM.
PS : si vous souhaitez rester informé de nos nouveautés, suivez-nous sur les réseaux sociaux et abonnez-vous à notre newsletter : c'est gratuit !
By accepting you will be accessing a service provided by a third-party external to https://www.perform-as.ch/